Quand les informations sont trop importantes en quantité, il devient physiquement impossible de toutes les lires sans parler de les comprendre. La stratégie usuelle pour faire face à ce genre d’inondation est ce qu’un « trader » appelait l’intuition.
J’y vois ici une forme de sentiment qui dit OK ou pas OK. La première fois que j’en ai entendu parler c’était lors de l’introduction en grand du marché des actions dans la population. C’était le moment des « Reaganomics ».
Elle a lourdement enrichi quelques uns. Tous les autres se sont lourdement appauvris.
Un autre champ d’action de ce type d’intuition est l’internet. Il s’y trouve vraiment trop d’informations. Les limites de paywall ou les documents vraiment intéressants sont à priori exclus. Cela reste beaucoup trop pour un individu.
Pire, les sites internet ne sont pas là pour informer à fond. Le problème existait avec les journaux qui m’ont toujours laissé rêveur. En une page ou deux, il y était toujours possible de donner toutes les informations de la planète. En dix pages, il y avait les nouvelles régionales. En cinq pages, il y avait les nouvelles du pays. Cela garantit l’information incomplète dans le meilleur des cas.
Les sites internet ne peuvent que donner un point de vue ou annoncer une opinion. Il y en a trop pour pouvoir en suivre un nombre représentatif de la situation sur, je le crains, n’importe quel sujet. Il ne reste que les sentiments pour décider de lire un truc ou non.
Si le sentiment est positif, on le lit. Sinon, on l’ignore. Le hasard joue un rôle énorme dans cette opération. Le lecteur potentiel dépend de la fréquence à laquelle un site est présenté. Plus il est visible, plus il y a de chances que le lecteur le découvre. Si la présentation est agréable, le lecteur pourra et surtout voudra y revenir.
Nous avons une masse d’informations telle que l’internaute doit recourir à ses sentiments pour décider d’aller dans une direction ou non. Nous avons des sites qui déclenchent des sentiment positifs ou négatifs. Nous sommes tous tentés par les sentiments positifs. Comme la fréquence de visite d’un site décide des revenus que ce dernier apporte, la tentation d’inciter les gens à y revenir devient irrésistible.
Il y a également l’aisance avec laquelle tout individu peut arriver à des conclusions absolument définitives sur des sujets essentiels. Un exemple de ce genre de considération est la terre plate. Les personnes qui défendent cette théorie ont le désir compréhensible de convaincre les autres personnes d’y adhérer. La terre plate n’est qu’un exemple d’individus arrivant à une conclusion définitive sur un sujet négligé.
Toutes les théories politiques, les groupes de pression, les multinationales, les partis politiques, les écoles de pensée, les pays influents et les églises de toutes sortes sont aussi désireux de transmettre leurs bonnes paroles.
L’internaute lambda ne peut pas s’en sortir seul face à la masse de choses à lire et à comprendre si elles sont partielles. Il le peut encore moins quand d’autres personnes pas toujours malhonnêtes présentent leurs visions du monde. Pour les optimistes, les déclarations malhonnêtes sont faites par des gens voulant protéger leurs croyances car jugées plus importantes que la vérité(Par exemple, je crois que si un mensonge de ma part sauver une vie, je me mettrai à mentir aussi souvent que possible pour sauver le maximum de vies). D’autres motifs moins avouables peuvent intervenir. Notre internaute de référence se retrouve dans une cacophonie d’informations totalement contradictoires.
Il se retrouve devant le phénomène humain bien connu que Jung et Peterson nomment chaos. Il suscite la pire terreur qu’un humain puisse ressentir. Comparée à cela (selon mon expérience), la mort s’accepte d’un coeur léger.
Il nous est donc demandé (je nous vois comme des internautes lambda) de faire face à un chaos absolu avec des moyens totalement contradictoires et sans élément permettant de choisir une voie plutôt qu’une autre. Il nous est demandé d’entrer dans un monde incompréhensible où tout le monde se contredit.
Dans cette situation, Watzlawick (selon mes souvenirs) nous voit chercher absolument un sens à tout cela. Nous allons nous raccrocher à absolument n’importe quoi pour échapper à ce chaos absolu.
Pour le producteur de contenu des sites, cette situation rend la tentation de modifier la réalité presque irrésistible. Il y gagne de l’argent, de la réputation, de la stabilité, du sens à sa vie, des amis, des relations, en un mot, une vie.
Le problème que j’ai avec cette tentation est que l’internet en devient complètement douteux, non fiable, habité par des menteurs ou des gens qui ont un point de vue qu’ils considèrent comme la réalité mais parfaitement irréconciliable avec ma vision du monde par exemple.
La vérité disparaît. Les moyens de la connaître disparaissent aussi. Les personnes cessent littéralement de pouvoir se comprendre mutuellement. L’individu isolé ne peut plus se faire entendre et avoir une place dans ce monde. Il en devient même incapable de se forger une identité.
Il faudrait pour cela disposer de soutiens fiables dont les fruits sont visibles et positifs. Il faudrait pour cela disposer d’une vision du monde cohérente qui permet d’intégrer son expérience personnelle à cette vision. Il faudrait pour cela disposer d’une référence assez solide pour oser s’avancer dans ce monde en y posant sa marque personnelle sans devoir admettre son anéantissement social ou physique.
Nous nous retrouvons avec des personnes sans identité personnelle, sans capacité de se lier à la réalité, sans liens humains solides, sans société de référence, sans idéal à atteindre qui permettrait de poser sa marque dans le monde.
Nous nous retrouvons avec des SJW ou des NPC. Ils sont humains, totalement humains mais totalement aliénés par la situation. Ils se basent sur leurs sentiments et leur appartenance à un groupe leur est plus cher que tout au monde. Ce groupe leur dit qui ils sont. Pour y rester, ils doivent montrer leur fidélité au groupe. Il doivent montrer qu’ils apportent leur voix au groupe. En échange, ils sont acceptés par quelque chose.
Mieux, leurs sentiments sont respectés. Leurs souffrances sont prises en considération. Leur individualité est restaurée à travers leurs sentiments. Ils retrouvent un idéal leur permettant de traverser plus ou moins mal la vie. Ils peuvent rapidement et aisément se lier au groupe car leur théorie est simple et claire. Il n’est pas nécessaire de faire des études longues et compliquées pour savoir où ils en sont. De là, ils peuvent aisément s’orienter.
C’est un désastre absolu. C’est un suicide de la civilisation qui a ôté à ses membres les moyens d’y vivre et leur a demandé de tout accepter. Les personnes soumises à ce régime cessent d’être créatives. Elles cessent totalement de s’engager dans quelque chose de positif car ce dernier a totalement disparu du paysage.
La réponse SJW à ce problème réel est, pour moi, une question sérieuse. Cette réponse à tous les défauts qui lui sont reprochés mais elle est effectivement au coeur du problème qui mobilise ces gens. Ils sont donc à écouter attentivement mais absolument pas à suivre. Il y a des façons plus simples et moins douloureuses de se suicider.
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