Pour ce sujet, j'emploie des mots pour parler de leur sens. C'est une sorte de mise en abîme. C'est un paradoxe et c'est un défi. Je le relève sans espérer le réussir mais en espérant préciser ma pensée sur le sujet.
Je le crois très important. Il définit la philosophie de la connaissance que je respecte. Il définit une part importante de mon intimité. Il situe la raison et l'intuition l'un par rapport à l'autre comme deux facultés complémentaires de mon esprit. La meilleure partie, qui m'échappe totalement, est que cette vision peut se généraliser à tous les humains dans le cas fort probable de l'existence de la nature humaine.
Pour l'introduire, je reprends ici une réflexion que je m'étais faite en son temps dans la ville de Fribourg.
J'avais été frappé par un embranchement en T de deux routes. Les panneaux indicateurs de direction donnaient, dans les deux directions des branches de la barre horizontale du T, Fribourg comme destination. En allant dans les deux sens, j'arrivais à Fribourg. Que j'aille à droite ou à gauche, j'arrivais au même endroit.
En plus du paradoxe de la direction sans importance, le nom de la ville ne pouvait pas être la ville. Il y avait une dissociation totale entre son nom et le lieu qu'il désigne. Cela m'a rappelé un souvenir beaucoup plus ancien, une citation d'un Alfred Korzybski, qui disait : "La carte n'est pas le territoire." et que j'interprétais comme une dissociation nécessaire entre la représentation d'une chose et la chose sans avoir pensé que les mots sont aussi des représentations d'une chose.
C'est la généralisation que je fis immédiatement après. Les mots sont des représentations des choses. Ils sont comme les panneaux indicateurs de la direction à suivre pour observer ou rencontrer la chose nommée par ce mot. Ils ne correspondent en rien à cette chose. Ils sont la représentation sur laquelle un groupe humain s'est mise d'accord pour désigner un objet de la nature ou de l'esprit.
J'en veux pour preuve la multiplicité des langues. Des mots et des sons très différents désignent les mêmes objets matériels. Les ressemblances entre les sons émis me semblent plus relever d'échanges entre les groupes humains que d'unicité entre le mot et l'objet. L'eau se dit Wasser en allemand et water en anglais. Il y a eu des invasions saxonnes en Grande-Bretagne. Un dialecte saxon ressemble furieusement à l'anglais moderne. Les échanges de populations ont été beaucoup plus modestes entre les Saxons et la partie francophone de l'Europe. On dira d'un côté Wasser et de l'autre eau pour le même objet. Je dissocie donc le son et l'objet.
Le premier est une représentation du second.
Le premier nous sert à raisonner. Il sert à fixer une connaissance du second qui se trouve dans notre esprit. Il sert à transférer une information sur cet objet d'une personne à une autre. Il sert à rassembler des informations autour de la notion d'eau. Un exemple simple est qu'une personne observe la transformation de glace en eau et va en déduire que la glace est de l'eau solide. Le pas de la déduction est un raisonnement. Un autre raisonnement encore plus simple est d'observer un truc transparent, liquide, sans odeur ni goût particulier et de se dire "Ah ! De l'eau". C'est un raisonnement simple mais je range cela dans les raisonnements car je lie ce que je vois avec un concept. Cette liaison faite, je peux me dire, par exemple, que je vais étancher ma soif. Sans ce premier, je n'ai aucune chance de faire un raisonnement.
C'est ce fait qui donne sa puissance au structuralisme. C'est aussi ce qui fonde la force de la linguistique. C'est aussi ce qui fonde le scepticisme car on peut dire n'importe quoi à ce niveau. Tout est vrai et faux en même temps comme le notent les constructivistes. Le nominalisme y trouve aussi sa force et sa justification. Il y a encore bien d'autres choses sous ce fait.
Le second est l'objet. Il ne peut pas être raisonné car il est en dehors de mon esprit. Je peux le ressentir, le voir, le toucher, en avoir une vision, en retrouver des caractéristiques théoriques etc... Il m'est impossible d'en faire le tour. Il y a toujours quelque chose qui m'échappe dans cet objet. Un exemple aussi simple m'est donné par l'eau. Je serai très vite d'accord avec n'importe qui sur la nature de l'eau. Je peux même en dire des choses intelligentes du genre H2O. Un peu moins évident est le fait que l'hydrogène est un souvenir de la formation de l'univers. Une question non résolue est la nature de liquide. Personne à ma connaissance comprend comment l'eau est de l'eau avec ses propriétés. Si quelqu'un sait expliquer l'état liquide avec les théories disponibles, je l'encourage vivement à s'exprimer. Il y gagnera très certainement un prix Nobel de physique. Après, si quelqu'un peut m'expliquer sérieusement comment le sel se dissout dans l'eau, il m'intéresse. Bref, je corrige ma première affirmation. Un objet peut être raisonné mais aura toujours quelque chose qui m'échappe et pas seulement à moi. Il me dépassera toujours par sa complexité et sa richesse.
Je ne peux que, dans un sens très large, le rencontrer et l'écouter. Je ne peux qu'en avoir une impression, une intuition. Ensuite, je peux verbaliser ces impressions et ces intuitions. Je peux leur donner une structure si j'en ressens l'envie et le besoin. Ces objets de nature fort limitée me serviront ensuite pour raisonner.
Comme vu plus haut, je ne peux jamais faire le tour d'un objet. C'est l'expérience des objets mathématiques qui l'établit. Gödel a montré que toutes les propriétés des nombres entiers naturels ne pourront jamais être complètement connues. Cela a mis dans la plus grande fureur Jorion et très certainement d'autres. C'est la mort du rationalisme des Lumières qui est dans cette démonstration. Je généralise cette idée à toutes les connaissances possibles. L'eau est mon exemple fétiche. Pire, je ne peux qu'être partial dans l'examen d'un objet. Je privilégie la nature physico-chimie de l'eau et néglige toutes les considérations poétiques ou biologiques. Mes verbalisations en sont donc partielles et partiales tout en étant, je le crois sincèrement, honnête.
Vu la nature fort partielle et partiale de mes verbalisations, des erreurs seront commises en toute bonne foi. Je pense même qu'elles peuvent être commises sans faire la moindre erreur de raisonnement. Pour cette même raison, je crois que donner une méthode parfaite de découverte de la réalité par la raison est impossible. Cette opération est viciée à la base par les limites humaines de son porteur. D'un autre côté, je me retrouve avec mes limites humaines fort étroites face à l'immensité de l'univers ou même de chaque objet.
Je ne peux donc que recevoir chaque modélisation d'un objet avec beaucoup de prudence. Elle peut m'être fort utile mais elle sera toujours incomplète et partiale car n'approchant l'objet que sous un angle. La réunion de tous les modèles dans un modèle unique et simple en devient hautement improbable. Je ne peux pas en accepter l'impossibilité. Cela me serait trop horrible. Je ne parle ici que d'un seul objet. L'univers en contient beaucoup plus.
J'arrête ici avec la question "Que faire face à mes limites ?" "Que faire face à ma fascination pour cet infini qui est l'univers ?" "Que faire face à toutes ces choses qui me dépassent tout le temps et dont la compréhension partielle me remplit de joie à chaque pas ?"
Je le crois très important. Il définit la philosophie de la connaissance que je respecte. Il définit une part importante de mon intimité. Il situe la raison et l'intuition l'un par rapport à l'autre comme deux facultés complémentaires de mon esprit. La meilleure partie, qui m'échappe totalement, est que cette vision peut se généraliser à tous les humains dans le cas fort probable de l'existence de la nature humaine.
Pour l'introduire, je reprends ici une réflexion que je m'étais faite en son temps dans la ville de Fribourg.
J'avais été frappé par un embranchement en T de deux routes. Les panneaux indicateurs de direction donnaient, dans les deux directions des branches de la barre horizontale du T, Fribourg comme destination. En allant dans les deux sens, j'arrivais à Fribourg. Que j'aille à droite ou à gauche, j'arrivais au même endroit.
En plus du paradoxe de la direction sans importance, le nom de la ville ne pouvait pas être la ville. Il y avait une dissociation totale entre son nom et le lieu qu'il désigne. Cela m'a rappelé un souvenir beaucoup plus ancien, une citation d'un Alfred Korzybski, qui disait : "La carte n'est pas le territoire." et que j'interprétais comme une dissociation nécessaire entre la représentation d'une chose et la chose sans avoir pensé que les mots sont aussi des représentations d'une chose.
C'est la généralisation que je fis immédiatement après. Les mots sont des représentations des choses. Ils sont comme les panneaux indicateurs de la direction à suivre pour observer ou rencontrer la chose nommée par ce mot. Ils ne correspondent en rien à cette chose. Ils sont la représentation sur laquelle un groupe humain s'est mise d'accord pour désigner un objet de la nature ou de l'esprit.
J'en veux pour preuve la multiplicité des langues. Des mots et des sons très différents désignent les mêmes objets matériels. Les ressemblances entre les sons émis me semblent plus relever d'échanges entre les groupes humains que d'unicité entre le mot et l'objet. L'eau se dit Wasser en allemand et water en anglais. Il y a eu des invasions saxonnes en Grande-Bretagne. Un dialecte saxon ressemble furieusement à l'anglais moderne. Les échanges de populations ont été beaucoup plus modestes entre les Saxons et la partie francophone de l'Europe. On dira d'un côté Wasser et de l'autre eau pour le même objet. Je dissocie donc le son et l'objet.
Le premier est une représentation du second.
Le premier nous sert à raisonner. Il sert à fixer une connaissance du second qui se trouve dans notre esprit. Il sert à transférer une information sur cet objet d'une personne à une autre. Il sert à rassembler des informations autour de la notion d'eau. Un exemple simple est qu'une personne observe la transformation de glace en eau et va en déduire que la glace est de l'eau solide. Le pas de la déduction est un raisonnement. Un autre raisonnement encore plus simple est d'observer un truc transparent, liquide, sans odeur ni goût particulier et de se dire "Ah ! De l'eau". C'est un raisonnement simple mais je range cela dans les raisonnements car je lie ce que je vois avec un concept. Cette liaison faite, je peux me dire, par exemple, que je vais étancher ma soif. Sans ce premier, je n'ai aucune chance de faire un raisonnement.
C'est ce fait qui donne sa puissance au structuralisme. C'est aussi ce qui fonde la force de la linguistique. C'est aussi ce qui fonde le scepticisme car on peut dire n'importe quoi à ce niveau. Tout est vrai et faux en même temps comme le notent les constructivistes. Le nominalisme y trouve aussi sa force et sa justification. Il y a encore bien d'autres choses sous ce fait.
Le second est l'objet. Il ne peut pas être raisonné car il est en dehors de mon esprit. Je peux le ressentir, le voir, le toucher, en avoir une vision, en retrouver des caractéristiques théoriques etc... Il m'est impossible d'en faire le tour. Il y a toujours quelque chose qui m'échappe dans cet objet. Un exemple aussi simple m'est donné par l'eau. Je serai très vite d'accord avec n'importe qui sur la nature de l'eau. Je peux même en dire des choses intelligentes du genre H2O. Un peu moins évident est le fait que l'hydrogène est un souvenir de la formation de l'univers. Une question non résolue est la nature de liquide. Personne à ma connaissance comprend comment l'eau est de l'eau avec ses propriétés. Si quelqu'un sait expliquer l'état liquide avec les théories disponibles, je l'encourage vivement à s'exprimer. Il y gagnera très certainement un prix Nobel de physique. Après, si quelqu'un peut m'expliquer sérieusement comment le sel se dissout dans l'eau, il m'intéresse. Bref, je corrige ma première affirmation. Un objet peut être raisonné mais aura toujours quelque chose qui m'échappe et pas seulement à moi. Il me dépassera toujours par sa complexité et sa richesse.
Je ne peux que, dans un sens très large, le rencontrer et l'écouter. Je ne peux qu'en avoir une impression, une intuition. Ensuite, je peux verbaliser ces impressions et ces intuitions. Je peux leur donner une structure si j'en ressens l'envie et le besoin. Ces objets de nature fort limitée me serviront ensuite pour raisonner.
Comme vu plus haut, je ne peux jamais faire le tour d'un objet. C'est l'expérience des objets mathématiques qui l'établit. Gödel a montré que toutes les propriétés des nombres entiers naturels ne pourront jamais être complètement connues. Cela a mis dans la plus grande fureur Jorion et très certainement d'autres. C'est la mort du rationalisme des Lumières qui est dans cette démonstration. Je généralise cette idée à toutes les connaissances possibles. L'eau est mon exemple fétiche. Pire, je ne peux qu'être partial dans l'examen d'un objet. Je privilégie la nature physico-chimie de l'eau et néglige toutes les considérations poétiques ou biologiques. Mes verbalisations en sont donc partielles et partiales tout en étant, je le crois sincèrement, honnête.
Vu la nature fort partielle et partiale de mes verbalisations, des erreurs seront commises en toute bonne foi. Je pense même qu'elles peuvent être commises sans faire la moindre erreur de raisonnement. Pour cette même raison, je crois que donner une méthode parfaite de découverte de la réalité par la raison est impossible. Cette opération est viciée à la base par les limites humaines de son porteur. D'un autre côté, je me retrouve avec mes limites humaines fort étroites face à l'immensité de l'univers ou même de chaque objet.
Je ne peux donc que recevoir chaque modélisation d'un objet avec beaucoup de prudence. Elle peut m'être fort utile mais elle sera toujours incomplète et partiale car n'approchant l'objet que sous un angle. La réunion de tous les modèles dans un modèle unique et simple en devient hautement improbable. Je ne peux pas en accepter l'impossibilité. Cela me serait trop horrible. Je ne parle ici que d'un seul objet. L'univers en contient beaucoup plus.
J'arrête ici avec la question "Que faire face à mes limites ?" "Que faire face à ma fascination pour cet infini qui est l'univers ?" "Que faire face à toutes ces choses qui me dépassent tout le temps et dont la compréhension partielle me remplit de joie à chaque pas ?"
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