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Satan et les solipistes sont au travail




Robert A Heinlein, un auteur de science-fiction, écrivit « Job. A comedy of justice ». Son héros principal rencontre Satan ou Lucifer, j’ai oublié qui. Les démons de son livre étaient des gens tout à fait sympathiques. Dieu-Yahwe y était un fou assez dangereux qui torturait les humains dans des souffrances dont le héros et sa compagne souffrent intensément.

Heinlein évoquait des forces supra-humaines de façon fort précise. C’était une fiction correspondant à l’expérience de vie de cet auteur. Pour les résumer en un euphémisme, il a eu une vie difficile.

Grasset reconnaît son inconnaissance sur le sujet des forces supra-humaines. C’est un sujet interdisant de fait toute réponse rationnelle. Leur évocation a, par contre, une ou des causes rationnelles. Il est possible d’en parler.

La première idée est que leur introduction ouvre un champ de réflexion fécond. Je rejoins Ph. Grasset sur ce point. Les introduire nous fait entrer dans le domaine du chaos, du néant, de la nuit de la pensée. Cela signifie pour moi que quelque chose existe dans ce chaos, ce néant et cette nuit de ma pensée à la condition d’accepter des choses supra-humaines. C’est, toujours selon moi, l’occasion d’accepter que quelque chose en dehors de moi existe. Ce n’est pas rien.

La dimension de ce que j’accepte ne peut pas être jugée. Tout ce que je peux en savoir est limité par la puissance de mon esprit. Vu que j’accepte l’existence de choses en dehors de moi, je pose également l’affirmation que ce que j’accepte est plus grand que ce que je puis en penser quand je parle de la dimension de l’objet observé.

La seconde idée est que cette notion de forces supra-humaines est vague et imprécise. Ph. Grasset dit de cette expression qu’elle « est volontairement vague, imprécise, etc. » Je diffère de lui sur ce point car il m’apparaît impossible d’être précis et rationnel sur des choses en dehors de moi. Tant que je ne les ai pas acquises ou comprises, je ne peux qu’être vague et imprécis tout en reconnaissant et affirmant leur existence.

Ce flou ne se résout pas avec des expressions comme « l’Unité originelle », « Dieu », etc… Même un croyant peut dire des bien des choses précises sur l’entité en qui il croit et être imprécis. Le simple fait que Dieu dépasse les humains qu’Il a créé rend sa connaissance par ses créatures imprécise.

Ce flou peut être jugé intolérable par les croyants dans une entité particulière. Des problèmes urgents dont ils souffrent n’attendent pas leur réponse. Ces problèmes réels et douloureux peuvent exiger si violemment une réponse pratique que le ou les croyants mettent en place une telle réponse en se convainquant qu’ils ont trouvé la volonté divine. En faisant cela, ils reconstruisent leur Dieu à leur image. Ils deviennent ainsi des adorateurs de l’image qu’ils en ont construite. C’est la définition que je connais de l’idolâtrie. Une autre solution est de se proclamer messie. Cela signifie pour moi se déclarer connaître parfaitement la volonté divine et être envoyé par le dieu que ce messie sert pour donner cette parole divine aux hommes. Il est possible (toujours selon moi) de le faire en toute sincérité. Dans les deux cas, le flou associé à toute force supra-humaine disparaît et autorise une précision absolument rationnelle. Cela me pose immédiatement un problème.

Ce flou inéluctable rend, selon moi, la chasse aux sorcières également inéluctable. Un croyant idolâtre ne pourra pas tolérer toute critique fondée de sa foi. N’importe quelle critique de cette forme représente pour lui une menace existentielle. La simple existence de non croyants dans sa foi le menace également de façon existentielle. Pour cette sorte de croyant, la chasse aux sorcière est une nécessité et elle doit être violente si ces dernières ne se convertissent pas. Un croyant dans un nouveau messie va naturellement rejeter le monde où ils vivent. Ils veulent créer un monde nouveau en rupture avec l’actuel. Je rejoins toute personne le considérant au moins difficile à vivre. J’ai de la peine avec cette idée de rupture totale car elle permet des excès dont l’amplitude me dépasse.

Dans les deux cas, je comprends Ph. Grasset quand il dit vouloir éviter de devenir une cible d’une chasse aux sorcières. C’est très désagréable même dans sa forme la plus douce qui est celle de la polémique très dure et insoluble. Il suffit de se mettre à lire les informations pour se désespérer.

Ph. Grasset parle d’un désenchantement des êtres et des événements au point d’avoir besoin d’un argument acceptable pour continuer à vivre. Aucune raison de le faire n’est donnée par notre monde. Ces deux faits le rendent désespérant au plus haut point. Je le rejoins sur les points cités dans ce paragraphe mais sous la forme que j’en donne.

Cela implique immédiatement, et Ph. Grasset le fait aussi, la conviction que quelque chose de supra-humain existe. La recherche d’une raison de continuer à vivre ne peut qu’être de cet univers. Le chaos actuel du monde nous dit aussi que quelque chose de plus qu’humain est en action car nous ne le comprenons pas. Le monde construit par des humains en adoration devant leurs créations, que Grasset nomme Système, s’annonce si moche, si insupportable et si inhumain que son effondrement est une nécessité existentielle. Ces trois choses nous poussent à regarder plus loin que ce que les yeux et notre esprit voient. Notre survie en dépend selon ces trois aspects.

La situation est si grave que nous ne pouvons même plus faire semblant d’y croire. Chaque regard lucide sur ce monde pousse au désespoir. Il est si riche en contradictions et si violent en inhumanités qu’il doit s’effondrer. Nous sommes dans la situation décrite par Zinoviev dans « L’Avenir Radieux ». Il raconte avoir écouté l’échange dans un transport en commun entre un cadre important du parti communiste et un dissident notoire. Cela donnait (selon mes souvenirs ) quelque chose comme :
- Quelle vie de merde !
- Oui, je suis d’accord avec vous.

Nous en sommes là. Pour y répondre, Ph. Grasset cite Pierre Boutang : « Il y a une piété naturelle, ni chrétienne ni païenne, exclusivement liée à l’homme et à sa croyance que tout finalement est divin, qui reflète une transcendance et quelque influence plus qu’humaine… » Ce n’est pas une réponse définitive.

L’accepter, comme je le fais, implique l’existence d’un univers au-delà du mien. La très mauvaise situation du monde nous force à nous perdre dans des distractions sans fin et ni fins pour oublier ce monde. Elle peut aussi nous forcer à avancer dans ce monde au delà du notre pour y trouver des raisons d’avoir confiance en lui et en ses habitants. Nous pouvons y avancer seuls pour se reconstruire un monde à nous. Nous pouvons y avancer en nous confrontant, malgré ma terreur, aux autres. Nous pouvons y avancer pas à pas, péniblement car nous chuterons à toute nouveauté, nous paierons cher toute erreur de notre part, nous souffriront de toute rencontre avec un idolâtre ou un messie nouveau. Nous ne pourrons y avancer qu’en position de faiblesse plus ou moins extrême car nous n’y aurons pas les réponses aux questions les plus évidentes et cela nous sera fait payer le plus cher possible. Ce n’est pas une promenade de santé.

L’alternative est le suicide. Plus nous avancerons dans le monde qui nous est imposé par les financiers, les LGBT, les transhumanistes, les globalistes, les islamistes, les progressistes, plus ce monde sera dur et inhumain, pollué et pauvre et violent sous toutes les formes imaginables ou non.

Nous sommes donc devant le choix d’un chemin de croix ou d’un suicide. En fin de course, la différence pour moi risque d’être fort obscure car je suis certain de rencontrer un idolâtre d’un de ces nouveaux messies qui prolifèrent de plus en plus. Ces gens ne peuvent pas tolérer quelqu’un qui suit le chemin de croix. Accepter de faire tous les pas exigés par la réalité est une menace existentielle pour ce genre de personnes. Au nom de sa tolérance, il doit impérativement me tuer ou me convertir. Sans cela, il sombre dans le néant que je traverse mais sans une espérance étrange qui lui est associée dans le chemin de croix. Suivre ce chemin en devient un suicide d’un autre style.

Nous sommes dans le temps de l’imagination. Nous devons définir un chemin et une idée de but à atteindre. Malgré ma première impression fort négative du solipisme, je me dis que la première étape passe par celle d’individus tentant de reconstruire ce but et ce chemin. Le piège à éviter est le messianisme ou le gnostisme dont le communisme, le nazisme et les Lumières sont des exemples illustratifs du premier problème. Le second semble avoir fait moins de dégâts dans l’histoire que je connais.

Nous avons une tâche énorme devant nous. La situation est assez mauvaise pour que, comme le suggère Michel Drac, nous nous mettions à imaginer d’autres solutions que celle du Système.

PS : J’ai lu le commentaire de Christian Feugnet. Il s’étonne de la vie malgré les mensonges, les stratagèmes abracadabrants dont elle est emplie. Il s’étonne positivement de la vie malgré sa tendance à partir dans tous les sens.
Volontairement ou non, son commentaire fait partie de la réponse à la question qui se pose à nous tous. S’étonner de la vie comme il le fait est dans la réponse.





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