Je note ma négligence de la notion d’entame dans un texte. Je la vois comme des mots ou une première phrase accrocheurs. Ils doivent éveiller l’intérêt du lecteur et lui donner envie de continuer. C’est une évidence pour moi mais après coup.
Dans cet exemple de texte, l’entame peut être son titre « Elevation de la critique crisique ». Le mot Elevation est associé à quelque chose de positif, de supérieur mais dans un sens sympathique. Ce mot représente pour moi une aspiration personnelle que je pense fort partagée (pas mon élévation mais l’élévation de chacun).
C’est une façon de promettre un progrès à ma personne si jamais il me prend l’idée de lire ce texte.
La critique crisique est une expression assez absconse dans son sens mais assez impressionnante. Elle me donne le sentiment de toucher un sujet élevé et même, avec le premier mot, de m’élever avec ce texte vers un sommet différent et inconnu de ma personne.
Logiquement, si la promesse de ce titre est tenue, je reviendrai beaucoup plus facilement vers son auteur quand il me donnera une autre de ses productions à lire.
Les premières phrases, voire le premier paragraphe, peuvent aussi être vus comme appartenant à l’entame. Elles commencent par situer le titre avec une idée simplement extraordinaire. Nous assistons à l’installation d’une nouvelle psychologie collective, chez certains commentateurs il est vrai. C’est limité mais je pense que c’est énorme. Il y a une sorte de refondation de la vision du monde qui est en plein développement.
La mise en place continue avec un historique des commentaires. La lassitude de la bouillie pour chats quotidienne a mené à la discussion de la crise sous toutes ses formes. Elle est devenue si évidente qu’en parler n’a plus aucun sens. (Je me demande si la peur des « fake news » n’est pas liée à cette perte de sens.) Alors comme, le remarquait Michel Drac dans une de ses vidéos, nos esprits veulent comprendre. Il est rejoint par Mashall Rosenberg qui considérait que comprendre est un besoin humain. Cela nous donne ici une élévation de la réflexion critique vers le coeur du problème.
L’auteur illustre cette idée par l’exemple d’Alastaire Crooke qui est passé de la Syrie et sa région aux relations de plus en plus difficiles des USA avec la Russie. Un problème est apparu en Syrie. Les deux tout grands acteurs expliquent une partie de ce problème puis il se pose la question de savoir pourquoi ces deux là ne peuvent pas du tout s’entendre et que les USA sont prêts (leurs élites pas la population malgré le matraquage informationnel subi) à sauter à la gorge de la Russie quoiqu’il en coûte au pays.
Cela nous concerne tous. Les conséquences de cette guerre qui risque de devenir « chaude » sont pour l’instant secondaires. Ce qui nous concerne ici et je rejoins l’auteur, c’est la nécessite de « saisir le sens des actes et la signification des choses » car cela nous élève ou nous permet de nous opposer aux différentes narratives du Système avec une vérité de situation. C’est d’une importance extrême.
Non seulement, cette compréhension donne un sens au monde de fous où nous vivons. En plus, elle nous libère de la prison de la « narrative ». Les barreaux de cette prison sont des histoires fausses que nous croyons.
Les « fake news » et leur pénalisation, la dénonciation du discours de haine, la dénonciation de l’apologie du terrorisme sont des protections de ces barreaux contre toute attaque de la réalité. Le racisme, l’homophobie, le fascisme, l’islamophobie, l’antisémitisme sont ici des barreaux négatifs. Le LGBT, le Marché, la Finance, la Tolérance, la Diversité, la grammaire inclusive, les études genrées sont des barreaux positifs. Les Antifas, les gens politiquement corrects, les journalistes en général, les politiciens, les penseurs (je pense ici à BHL) sont les policiers de la « narrative ».
Nous sommes (et je rejoins ici l’auteur) dans un millénarisme (Gallez et d’autres parlent de messianisme). Il est aux abois. Ses défenseurs disposent, entre autres, des moyens cités ci-dessus.
Je pense qu’ici le principe de réalité joue à fond. Pour moi, c’est l’idée que la réalité peut être niée pendant fort longtemps. Il est possible de la fuir durant des siècles comme les Lumières le démontrent. Mais, et c’est le principe de réalité en action, elle finit toujours par nous rattraper.
Les Lumières et surtout ses défenseurs sont dans cette situation. Elle est terrible. Les distractions des « informations politiquement correctes » deviennent si creuses que de plus en plus de gens en décrochent. Les déclarations annonçant des progrès selon le Système deviennent de plus en plus délirantes. Cela commence à se comprendre. L’agitation des vies est de plus en plus intense pour éviter que les populations se mettent à réfléchir par elles-même. La censure revient en force malgré le discours officiel d’ouverture. Il s’agit de « cacher ce sein que je ne saurais voir*.
En face, l’auteur et, beaucoup plus modestement, ma personne, cherchent sans cesse et trouvent chaque jour quelque chose qui se rapproche des origines de la démence du Système actuel.
Chaque grain de lumière jeté sur le fonctionnement de ce système le menace. Il y a tellement de lumière sur ce truc qu’il doit sans cesse reculer. il s’agite et s’énerve. Il se braque de plus en plus car ses fondamentaux sont menacés.
Je pense ici que nous vivons une guerre dans les esprits. C’est une guerre extraordinaire. Elle se joue entre un système construit par quelques « Lumières » (des individus dans un bureau qui ont écrit des livres fondateurs) et qui doit être imposé à tous à n’importe quel prix (Lénine en guerre contre la Russie - la Terreur de Robespierre) et des individus qui regardent le monde où ils vivent en voulant vraiment le comprendre. Ces gens (dont je souhaite faire partie) reconnaissent que le monde est présent et qu’il n’est pas évident à saisir. Sa complexité et son indépendance de l’esprit humain le rendent difficile d’accès. Rien est interdit mais il faut suivre le chemin pour y arriver. Toute tricherie avec soi-même ou le monde où nous vivons nous ferme la porte à cet univers.
Le Système est beaucoup plus agréable au premier abord. Il offre rapidement des réponses facile à comprendre et assez séduisantes pour faire croire à son adepte qu’il a toutes les réponse à toutes les questions à condition de le respecter. Une analogie facile me vient à l’esprit.
Si je dois présenter un texte et que je trouve que Victor Hugo a déjà discuté par écrit du sujet, je peux faire un copier coller et l’envoyer. Son texte sera bien meilleur que toutes mes productions. Je pourrais même être félicité pour la qualité de mon travail. Quand je fais cela, je suis dans le Système. Je peux aussi prendre mon courage à deux mains et me mettre à l’écrire. Ce sera plus long, demandera plus de travail et le résultat ne sera pas aussi brillant que celui de Victor Hugo. Je pourrais même être rejeté pour ce mauvais travail. Pour arriver à un succès, je serais obligé de travailler régulièrement, de créer des textes d’entraînement, de suivre un plan, d’imaginer des idées nouvelles, de réfléchir par moi-même. Je devrais aussi admettre que d’énormes parts de la réalité, presque tout en fait, m’échappent, me sont inconnus. Ce qui me pousse à comprendre est ici un problème. Les qualités de mon texte seront au nombre de deux. Ce serait mon texte. Je pourrais en écrire un autre, si je continue à travailler et si j’ai encore une réserve de talent, qui sera meilleur. Quand je fais cela je suis dans la vérité-de-situation de l’auteur.
C’est la guerre actuelle.
Une de ses escarmouches est racontée par l’auteur. Il a écrit l’entame de son texte et a regardé un débat pendant une demi-heure. Son sommet a été « Alors, nous sommes prisonniers ? » « Non, nous sommes libres à l’intérieur d’un marché-libre bien délimité. » Dans ces conditions, tous les prisonniers sont libres car ils sont « à l’intérieur d’un [bâtiment] bien délimité » Puis il nous transmet ces répliques ahurissantes. J’y découvre le vide abyssal du débat par les élites, leur accord sur le fond (tous prisonniers), le déni de l’évidence (« Non, nous sommes libres… ») et leur entre-soi (communiste, « communiquant », féministe, libéral). Mon choc devant ce vide, cette impuissance, cette redite, cette mollesse du verbe me montre un monde risible s’il n’était pas si dramatique. J’ai progressé dans ma compréhension de la Grande Crise. Une toute petite victoire tactique a été obtenue.
Cette escarmouche me fait considérer cette guerre comme une guérilla. Il s’agit de frapper avec une vérité de situation, de survivre et de recommencer. Le Système fabrique de lui-même les mécontents. Toutes ses réactions de blocage ne pourront pas empêcher ce mouvement ou alors l’humanité est terminée.
Une bonne entame est quelque chose de quasiment dangereux. Celle-ci m’a entraîné beaucoup plus loin que ce que je croyais possible. Je suis allé du mot élévation à la guerre mondiale en cours.
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